Adulte, Lectures, Oneshots

Le Chien Noir

de Lucie Baratte| ed. du Typhon
Conte Gothique | 188 pages

4è de couv

Dans un pays lointain, la jeune Eugénie est mariée de force au mystérieux Roi Barbiche par son père. Commence alors pour elle un voyage aux confins du monde qui l’entrainera dans un château rempli de noirceur.

Pensé à la fois comme une relecture de Barbe bleue, une réponse littéraire aux contes des Précieuses du XVIIIe siècle et aux romans magiques d’Angela Carter, Le chien noir s’inscrit dans une histoire féminine de la littérature. Celle d’Anaïs Nin, de Mary Webb, en passant par les sœurs Brontë ; des autrices qui refusent l’ordre établi et le bousculent par l’expression d’un désir éclatant. La mise en lumière de l’étrangeté personnelle devient ainsi une arme d’émancipation.

Originaire du nord de la France, Lucie Baratte est née en 1981. Le chien noir est son premier texte de fiction. Dans ce livre à la lisière des genres, les contes de l’enfance y rencontrent les tremblements et l’effroi du roman gothique.


« Il était une fois une vieille légende oubliée, celle d’une belle ensorcelée, mi-femme en robe de soie le jour, amoureuse, malheureuse et trompée, mi-panthère en robe d’ombre la nuit, traquée, poignardée et dépecée. Sa peau avait été réduite en couvre-lit pour le confort d’une chambre de reine. Ses os brûlés et broyés en poudre pour servir de pigment afin de saisir en peinture le souvenir de ce trophée. Une panthère, dans son cadre de bois vernis, qui contenait sa rage depuis des millénaires. Son corps était figé dans la puissance et la grâce, mais son regard bestial n’avait rien perdu de son terrible aplomb. »


Mon avis

Ce texte commence comme un chant de sirènes, une douce nostalgie merveilleusement bien écrite qui nous berce (nous berne) et nous attire sur cette île du bout du monde sans échappatoires, dans ce mariage horrible et ce château tellement sombre de secrets terribles. On connait ce paysage, on l’a si souvent parcouru : un roi cruel, une jeune princesse enfermée, un mariage arrangé avec un sombre inconnu, un voyage vers une nouvelle vie… et puis, c’est le basculement dans l’horreur.

Je suis loin d’être férue de réécriture de conte et je n’aimerais pas faire fuir les personnes qui en ont ras le pompon de cette mode. Restez, ça vaut le coup ! Enfin, si vous n’avez pas peur d’être violemment éjecté de votre zone de confort 👀😅. Je préfère prévenir, c’est un texte très très sombre avec des scènes de viols, de tortures (physiques et mentales), de sexe très limite et autres joyeusetés hyper dérangeantes. Mais c’est aussi très beau, aussi paradoxal que cela puisse être.

L’autrice entremêle les fils du Conte avec un grand C, car il n’est pas question que de Barbe Bleue, mais de plein d’autres histoires éternelles, avec des thématiques plus modernes. Le patriarcat et la violence faite aux femmes sont dénoncés, notre Eugénie va explorer ses désirs, ses douleurs et son pouvoir. D’ailleurs, j’aurais aimé que la fin soit un peu plus girl power. Peut-être que certaines scènes semblent gratuites et non remises en question, mais je pense qu’elles sont là pour déranger, questionner, faire réagir, et dans le conte, rien n’est jamais remis en question. Je pense que ça, c’est notre part du boulot, à nous, lecteurs.

En bref, je ressors ébranlée de cette lecture qui ne laissera personne indifférent (il suffit de voir les notes très tranchées sur Goodreads, Babelio et cie), mais totalement sous le charme de la plume de l’autrice. Je lirai d’autres choses d’elle avec grand plaisir.


« Il était une fois des princesses mortes, des reines déchues qui, sans tête, hurlaient leur peine du fin fond de leurs cercueils de verre, de pierre ou de diamants. Des femmes aux yeux vidés et aux noms arrachés. Des êtres vivants de chair et de sang changés en cadavres inertes de tas d’os et de regrets éternels. Des amoureuses, des délaissées, des mal-aimées, des trop candides, des trop curieuses, des trop précieuses. »

4 réflexions au sujet de “Le Chien Noir”

  1. Vu ce que tu en dis, la couverture est bien choisie : elle est aussi ambivalente que le texte.

    Celui-ci n’est pas pour moi mais je compte sur toi pour lire d’autres textes de l’autrice parce que dans une autre ambiance je pense que je pourrais être tenté. ^^

    1. Son dernier roman (qui est sorti dernièrement) est « Roman de ronce et d’épine », une revisite de contes aussi et qui m’a l’air de tendre aussi vers le malaisant ^^’. De toute façon, je le lirai et je te dirai :D.

  2. Je le relis au moins une fois par an tellement j’aime ce livre. C’est vrai que c’est hyper sombre mais comme tous les contes. Dans la même veine il y a La compagnie des loups d’Angela Carter qui, comme le Chien noir, est tout aussi sombre mais le style est fascinant.

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