
de Sue Rainsford | ed. Aux Forges de Vulcain
Traduction de Francis Guévremont
224 pages | Fantastique/Horreur
4è de couv
Ada vit avec son père dans une clairière, en bordure d’une forêt, non loin de la ville. Ils passent leur temps à soigner les habitants qui leur confient leurs maux et leurs corps, malgré la frayeur que ces deux êtres sauvages leur inspirent parfois. Un jour, Ada s’éprend de Samson, un de ces habitants. Cette passion, bien vite, suscite le dépit voire la colère du père de la jeune fille et de certains villageois. L’adolescente se retrouve déchirée par un conflit de loyauté entre son héritage vénéneux et cet élan destructeur qui l’emmène loin de tout ce qu’elle a connu.
Roman lyrique, inquiétant, roman de l’émancipation autant que roman du désir souverain, Jusque dans la terre a été salué comme la naissance d’une romancière à l’imagination terrifiante, peuplée de sorcières et de monstres.
Mon avis
Sue Rainford, jeune autrice irlandaise, signe ici un premier roman que je trouve très réussi. J’ai dévoré ce texte avec la fascination et l’effroi de quelqu’un face à quelque chose qui le dépasse. Quelque chose de beau monstrueux.
Ada et Père sont des guérisseurs vivant à l’écart d’un coin de campagne inconnu et hors du temps. Ils vivent en symbiose avec ce lieu qu’ils ne quittent jamais. Lui se transforme en ours pour aller chasser dans les bois. Elle… est autre chose. La terre autour de chez eux est différente, sauvage, guérisseuse. Elle donne autant qu’elle reprend. Les gens (les cures comme ils les nomment) les vénèrent et les craignent tout à la fois. Ils viennent nombreux soigner leurs moindres maladies, physiques ou mentales. Le mot se passe de génération en génération, car le temps semble s’écouler différemment autour d’eux.
Jusqu’à l’arrivée de Samson. Le beau Samson, rongé par quelque chose de différent et qui regarde Ada comme une femme. Ada, l’éternelle petite fille, tellement, tellement différente, va alors se mettre à rêver d’autre chose.
Les étés, par ici, sont faits de longues herbes négligées, d’une uniforme lumière de citron, de chaleur qui cuit la terre et qui fait vibrer l’air. Les ombres sont si noires, si profondes qu’elles semblent aussi solides, aussi vivantes que les corps qui les projettent.
C’est un récit à la première personne (le point de vue d’Ada) entrecoupé de courts témoignages de cures qui permettent de jeter un nouvel éclairage sur les différentes temporalités de cette sombre histoire.
Le plus marquant dans ce roman, ce qui m’a harponnée dès les premiers mots et gardée prisonnière jusqu’au bout, c’est la plume de Sue Rainsford. Organique, poétique, dérangeante. Elle décrit avec tendresse (un paradoxe qui ajoute à l’étrangeté de l’ensemble) le procédé de guérison qui consiste à ouvrir littéralement le patient endormi pour observer ses organes et retirer la maladie, ou à les enterrer vivants.
[Petite pause : j’ai beaucoup de mal avec le body horror en règle générale et ici, l’autrice ne tombe jamais dans le gore pur. Et si certains passages peuvent être crus (quelque chose que je n’aime pas non plus), c’est, à mon plus grand étonnement, passé comme une lettre à la poste.]
Cette même plume sera tour à tour malaisante et sensuelle dans la description des rapports entre Ada et Samson. Et le malaise continuera à s’amplifier au fil des pages et du désir grandissant ainsi que des pensées émancipatrices d’Ada.
S’il ne s’agissait que d’une histoire d’amour hyper dérangeante avec un beau fermier torturé, j’aurais été rapidement déçue 😆. Heureusement pour moi, l’univers perturbant d’Ada est central dans le récit. Son détachement face à cette succession de patients comme autant de clichés (dans le sens photographique du terme) d’une humanité malade, mais malgré tout attachante. Ce qui la rattache à ce bout de terre, ses origines, sa vision des choses. C’est ce qui m’a plu et que j’ai trouvé le plus intéressant. Comment Ada est devenue Ada.
Jusque dans la terre est un premier roman brillant, sombre et audacieux que je recommanderai chaudement aux amoureux de fantastique horrifique/gothique et de plume très poétique. Je salue d’ailleurs le magnifique travail du traducteur ! L’autrice a sorti en 2021 un second roman dans la même veine horrifique et réalisme magique, Redder days, que j’espère voir traduit aussi Aux Forges de Vulcain.
– Solitude. Solitude. Il faut avoir un cœur,
pour se sentir seul.
Hop direct en liste d’envies lecture! J’adore ce genre de récits à la plume ambivalente entre fascination et dérangement.
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J’espère que ça te plaira ! 🤞😁
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Tu le vends très très bien.
J’aime les belles plumes, les univers étranges et les romances, alors ce mélange de gothique et fantastique me tente énormément.
Hop wishlist !
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Je croise les doigts 😄.
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Comme prévu, ça n’a pas l’air vraiment pour moi. Mais tu le vends quand même très bien, c’est terrible. Il ne faut surtout pas que je me rappelle que parfois j’aime les choses qui ne sont normalement pas pour moi. 🙉
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😂 C’est vrai, il y a toujours des exceptions qui confirment la règle, mais chuuut je n’ai rien dit 👀.
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Très intriguée par ce roman, je le note 🤩 merci !!
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Avec plaisir 😊.
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Ca a l’air intrigant en tout cas, je note, merci pour la découverte !
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Avec plaisir, j’espère que ça te plaira 😁.
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J’ai adoré ce livre également ! Tu en parles très bien et tu me donnes clairement envie de me replonger dans cette histoire qui m’avait totalement déroutée. J’avais adoré le fait que l’autrice ne nous donne pas toutes les clefs de son univers directement. C’est petit à petit que l’on comprend les roles de chacun dans ce monde et ca fait du bien de se laisser porter tout en sachant pas vraiment où on va ! hihi
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C’est clair ! Perso, j’aime beaucoup me faire porter par un récit surtout quand c’est bien fait et là, c’était parfait. 😊
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